Sur les traces de saint François de Sales – Jour 2

De Habère-Lullin à La Bénite-Fontaine – 14 août 2023

Cette belle étape sera relativement longue, un peu plus de 30km, et variée : autant de chemins que possible, des routes champêtres mais fréquentées, de gros bourgs à traverser, deux cols à passer. La canicule reste encore modérée au regard de ce qui m’attend les prochains jours. En fin de journée, près d’une heure d’un enfer de route à longer me rappellera que le pèlerin n’est pas touriste, il ne sélectionne pas uniquement les jolis coins.

Le franchissement de l’Arve est un problème, celui des autoroutes est pire. Qu’est-il préférable : se retrouver à la nage dans l’Arve ou à pied sur l’A40 ? Or, aller tout droit, nécessite les deux. Je me résigne au détour pour attraper un pont à Bonneville. Une fois l’itinéraire en tête, je peux partir de Habère-Lullin.

L’église où je me suis arrêtée le 11 août est fermée ce matin. Nous prions brièvement en famille au pied d’une statue de Notre Dame de la Salette, derrière l’église. Plus exactement dans les ruines de l’ancien château de la famille de Lullin, datant du XIIème siècle.

Dans la nuit du 24 au 25 décembre 1943, l’on fête Noël dans ce château. La 9ème compagnie SS Polizei cerne d’édifice, mitraille et met le feu. 25 hommes assassinés et de nombreux prisonniers dont six ne reviendront pas de déportation.

Un natif de Lullin est honoré ici aussi : le général André Devigny. Il s’illustra à de nombreuses reprises pendant la 2ème guerre mondiale, notamment en réussissant une des plus belles évasions de l’Occupation. Plusieurs fois blessé, plusieurs fois prisonnier, il terminera sa carrière comme directeur du service action du SDECE, actuelle DGSE.

Le lecteur se reportera aux livre et film éponymes : « Un condamné à mort s’est échappé ». J’aime cette France des héros. Elle en a toujours eu, encore aujourd’hui, comme par exemple le colonel Arnaud Beltrame. Je prie pour que ma patrie en suscite toujours.

Plus élevé encore que les héros, il y a les saints. L’un d’eux est particulièrement cher à mon mari : saint Maximilien Marie Kolbe, le saint patron de notre deuxième garçon. Sans aucun calcul de ma part, après avoir marché le premier jour en la sainte Claire, prénom de notre fille, voilà que je marche aujourd’hui avec Kolbe en la fête de notre petit Maximilien. En famille, j’aime marquer les fêtes des saints patrons, ainsi que les anniversaires de baptême.

Voici la route de cette matinée en diaporama :

L’église Saint Étienne de Bogève, de style néoclassique sarde (1832)

Ce Môle (1863m.) est le sommet emblématique de la région. Il me narguera toute la journée, au sud le matin, à l’est vers midi et au nord-est le soir.

Je traverse Viuz-en-Sallaz, cuvette où s’accumule toute la chaleur, et m’enfuis vers les bois plus frais de Saint Jean de Tholome.

La France, pour moi, c’est aussi ces innombrables calvaires. Je prie pour que personne n’ose les déboulonner. Que le Christ règne sur la France ! Beaucoup de ces calvaires rappellent une mission de telle ou telle année, généralement fin XIXème, début XXème siècles, après les drames révolutionnaires. Voilà une idée à développer : des missions paroissiales ! Qui sait, peut-être qu’un jour mes pèlerinages aboutiront à des missions.

La situation actuelle de la France n’émeut pas que moi, heureusement. Des initiatives de toutes sortes voient le jour partout pour réveiller les consciences, les intelligences et les âmes. Et à propos de croix et de calvaires, je citerais volontiers celle de lafranceprie.org qui se regroupe publiquement devant une église ou un calvaire pour réciter le chapelet.

Saint Jean de Tholome est un minuscule village, il me réjouit car l’on y trouve une crèche et une école. L’exode urbain est en route. Je m’arrête dans l’église pour une dizaine de mon chapelet.

Le livre d’or me tend les bras pour y faire ma pub !

Assez vite, j’arrive au Col du Réray.

Encore une croix. Saint François de Sales nous livre, dans son Introduction à la vie dévote1, un chemin d’oraison, une manière de structurer le temps d’oraison. Et la première étape consiste à bien prendre conscience de la présence de Dieu, partout. Ces croix nous le rappellent. Dieu est partout, bienheureuse l’âme qui s’en réjouit !

Bonneville se dévoile brutalement. L’on aurait envie de sauter en wingsuit pour atterrir en quelques secondes sur le stade que l’on aperçoit… Mais je ne suis pas femme-oiseau, mes ailes ne me poussent qu’à marcher et ce joli sentier me conduit jusqu’au cœur de la ville par des quartiers résidentiels et silencieux. La chaleur réduit les sorties des humains, ils semblent se taire davantage, un luxe. L’église est fermée, je m’approche du château qui, avant d’être une prison, fut la demeure des Sires de Faucigny.

Deux jeunes fument des « substances » et parlent de leur « meuf ». Quintessence de la déliquescence. Mon cœur saigne. Je prie pour cette France-là.

Je franchis l’Arve avec émotion, sa couleur farineuse rappelle que tous les glaciers n’ont pas encore disparu, là-bas plus haut vers Chamonix.

De l’autre côté, c’est méphitique : c’est l’enfer du goudron chaud, du ballet incessant de bagnoles qui encrassent les poumons. Mon bord de goudron est si étroit que la survie ne tient qu’en une poignée de centimètres. Je m’éloigne autant que possible, sur une piste cyclable ou dans un champ. J’accélère pour sortir de là et, après 50min d’apnée, ma route bifurque, enfin.

Je ne peux pas arriver trop tard à l’étape du soir : nos enfants sont encore petits, il faut encore rentrer à Annecy pour les coucher. J’arrive ainsi au pas de course à la Fontaine Bénite, un lieu de pèlerinage marial cher au cœur de saint François de Sales.

L’origine de la dévotion ici à la Vierge Marie n’est pas absolument certaine, mais il semble qu’elle remonte à deux périodes très sombres de la ville voisine, La Roche-sur-Foron. En 1542 et 1586, la peste décima la ville2. Les quelques survivants fuyèrent la pestilence de la ville et se réfugièrent dans ce vallon. Ils y découvrirent une source d’eau pure et construisirent un oratoire à la Vierge Marie qu’ils avaient invoquée pour les protéger de ces deux terribles épidémies. Or, jusqu’en 1617, l’on recensa 14 guérisons que l’on présenta à saint François de Sales. Comme tout bon pasteur, il fit d’abord preuve non de doute, ni de méfiance, mais de prudence et soumit le discernement de ces guérisons à des personnes compétentes et scientifiques du conseil du Genevois. Après deux ans d’enquête, ces guérisons furent avéré miraculeuses, et François fit construire une chapelle « Notre Dame de la Visitation » et qu’il vint lui-même consacrer.

Après la Révolution, la France entière est à reconstruire. La Bénite-Fontaine a failli rester à l’abandon. C’était sans compter sur un certain François Thabuis (1773-1859). Sans aucun moyen personnel, il se contenta de quelques offrandes pour reconstruire un oratoire sur le lieu de pèlerinage, qui, aujourd’hui, attire des milliers de pèlerins3.

J’aime cette France des humbles : elle reconstruit toujours ce que certains grands de ce monde s’acharnent à raser. Tant de ministres, de présidents, de députés, d’idéologues et de milliardaires de tout poil et de toute envergure dynamitent méthodiquement la civilisation chrétienne. C’est certes dramatique, mais c’est aussi comique : ils semblent ignorer le nombre, la force et l’humble audace des François Thabuis d’aujourd’hui. La France est grande par ses petits.

Prochaine étape : encore une histoire de deux châteaux distants de quelques centaines de mètres, comme aux Allinges.

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  1. chapitres 2 à 7 de la deuxième partie ↩︎
  2. rappel des dates de saint François : 1567-1622 ↩︎
  3. Pour savoir plus ↩︎

Publié par Anne-Marie MICHEL

Pigiste catholique, je m'efforce de témoigner de ma foi dans le Christ, chemin, vérité et vie. Ainsi, ce qui est vrai, bien et beau m'élève et ce trésor se partage. Notre temps est encore celui de la miséricorde, eleos en grec, alors proclamons-la à temps et à contre-temps ! Depuis août 2023, le blog relate principalement mes pèlerinages effectués en France pour son relèvement temporel et spirituel.

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