Sur les traces de saint François de Sales – Jour 3

De La Bénite Fontaine au château de Thorens – 16 août 2023

Encouragée par les grâces reçues hier, lors de la messe du 15 août et par la lecture du vœu de Louis XIII, je reprends ce matin la route de mon pèlerinage pour la France, cette France qui est belle et grande. Nous revenons en voiture à La Bénite Fontaine où je me suis arrêtée le 14 août dernier. Aujourd’hui, je vais crapahuter en montagne… C’est Julien lui-même qui m’a suggéré de rallonger l’étape en passant par la montagne, plutôt que d’aller tout droit au château de Thorens.

Évidemment, la question se pose : pourquoi n’ai-je pas longé la D2 ? Tout simplement, parce que j’en ai le loisir aujourd’hui ! Parce que c’est plus joli par la montagne et que la beauté de la nature, si chère à notre François de Sales, aide à la contemplation de son créateur.

Un Notre Père et un Je vous salue, Marie avec les enfants dans la chapelle de La Fontaine Bénite, une visite à la source en bas et je pars.

source de La Bénite Fontaine

Très vite le terrain ne ressemble plus à la carte et je navigue à vue entre la voie ferrée, des ruisseaux taris, des chemins censés ne pas exister, des sentiers censés exister. Mais peu à peu, je m’élève au-dessus de La Roche-sur-Foron, du Genevois et de la vallée de l’Arve. La campagne est calme.

Parcourir la France, c’est aussi s’amuser fréquemment de la toponymie :

Drôle d’adresse. Je m’attends à entendre du plain-chant en plein champ… Mais seuls les grillons stridulent a cappella.

Je ne rencontre pas grand monde, ce qui ne favorise pas la démarche d’évangélisation, mais cela viendra. Patience. Au hameau d’Orange, je quitte les zones habitées pour emprunter les sentiers de montagne. La route s’arrête au parking du Chesnet.

Au chalet de la Balme, je déguste une salade à 18€. Je la mange lentement pour en savourer le prix. J’ai presque froid, un luxe en cette période de canicule. Le cuisinier m’annonce 2h30 pour gagner Usillon par le bien nommé col du câble.

Chalet de la Balme
chalet de la Balme en montant au col du câble

Ci-dessus, en diaporama, les alentours de ce petit refuge facilement accessible par des familles.

Le col du câble s’atteint par une minuscule via ferrata de quelques mètres.

J’arrive au col et m’amuse toujours de trouver ces avertissements, surtout quand j’en viens :

La perception du « vertige » et du niveau de dangerosité est toujours relatif à chacun. De même, sur les panneaux en montagne, l’on indique un temps de trajet pour atteindre telle destination. Ce temps est toujours bien plus long que la moyenne, peut-être pour dissuader les randonneurs imprudents qui sous-estiment les risques et surestiment leurs compétences…

Je ne suis jamais venue ici, mais j’aime retrouver au loin, dans le paysage, des sommets gravis ou des lieux familiers, évocateurs de souvenirs. Je me demande qui de saint François ou de moi aime le plus les Alpes…

Je suis seule au monde cet après-midi et je savoure ces instants avec gourmandise. Le chemin au sud de la montagne de Sous-Dîne a quelque chose du bonheur : une heureuse solitude, de belles fleurs d’été, un soleil radieux. La beauté rend heureux. Sur des prés d’herbe fraîche, Il me fait… marcher… D’innombrables sauterelles rouges bondissent partout. La nature est joyeuse.

Mais, il y a 80 ans, elle a pleuré. Je ne suis plus très loin du plateau des Glières. Juste en contre bas du col du Landron, il est rappelé les sacrifices et les souffrances de la France qui résista :

Ce chalet, désormais en ruine, était occupé par la section « Coulon » commandée par Marius Cochet. Tom Morel lui avait donné mission d’interdire les accès à Champlaitier par les cols du Landron et de l’Enclave. Les 20 et 26 mars, ils résistèrent aux attaques de la milice, collabos français. Marius Cochet tombera « pour la France » dans le Jura, à la poursuite des Allemands, le 22 août 1944. Glorieuse France qui résiste au prix de la vie.

Je poursuis vers le col du Landron et bascule de l’autre côté, vers la vallée de la Fillière où je dévalle en quelques minutes tous les étages alpins, des alpages aux feuillus.

J’atteins Usillon en 35min où la mémoire de la Résistance, et de cette « guerre civile » au cœur de la IIème guerre mondiale, me rejoint à nouveau :

Je viens de passer à la Plagne, en descendant du col. Aimé Demolis, Marcel Peguet, Henri Stein et Joseph Zonca y ont été exécutés par des Français. Quel camp aurais-je choisis, moi, si j’avais vécu à cette époque ? La famille de mon père a fait partie de ces Français qui ont compris les enjeux, la nécessité et les risques de résister. Mon père, jeune garçon à l’époque, l’a payé avec ses parents et ses frères et sœurs. Ils furent, avec tant d’autres, ces Français – non de la grande Résistance comme celle du plateau des Glières – mais d’une humble et non moins utile résistance du quotidien.

Usillon est calme et charmante. La D55, que j’emprunte vers l’ouest, surplombe la rivière.

Je m’approche de l’étape de ce soir. Julien et les enfants sont en route pour m’y attendre.

Au bout de la vallée de la Fillière, se trouve un certain lieu-dit :

J’arrive donc dans le fief de la famille de Sales, la terre natale de notre saint François (1567-1622). Nous ne sommes pas en France ici, aux XVI et XVIIèmes siècles. Et comme aux Allinges, il va encore être question de deux châteaux distants seulement de quelques centaines de mètres. Le château de Sales, celui dans lequel est né François, n’existe plus. Déjà incendié en 1617, il sera de nouveau pillé et brûlé en 1630 par les troupes de Louis XIII, ces affreux français ! Or, ce vieux manoir étant jugé vétuste par Monsieur de Boisy, le père de François, celui-là entreprit dès 1551 d’acquérir un autre château, juste en contre bas : l’actuel château de Thorens. Si saint François y a probablement peu séjourné, c’est lui qui signa l’acte d’achat pour le compte de ses frères et sœurs, en 1602 seulement. Il y est aujourd’hui honoré. Du château de Sales, il ne reste donc rien. Mais les neveux de notre saint construisirent en 1677 une chapelle en lieu et place de sa naissance. Et en face de cette chapelle se trouve une croix, à l’endroit où François a reçu la vocation à fonder la Visitation avec sainte Jeanne de Chantal.

La France, c’est cette densité d’histoire, de sainteté, de richesse intérieure, en quelques mètres carrés.

Chapelle à l’emplacement de la naissance de saint François.

Au loin, à gauche de la photo ci-dessus, l’on aperçoit le clocher de Thorens, où François fut baptisé et – fait rare pour une église ordinaire de campagne – ordonné évêque.

Calme et sérénité sont palpables ici. Je descends le court chemin qui mène au château de Thorens pour y rejoindre Julien et nos petits marmouillots qui me font fête en me voyant surgir de derrière les arbres.

Pas de chance, le château ne se visite pas ces temps-ci pour travaux. Mais c’est sans compter sur la Providence qui, une fois encore, passe par mon mari. En donnant le goûter aux enfants tout à l’heure à Thorens, il a vu une affiche invitant à une halte spirituelle au château le 18 août, soit dans deux jours ! Le diocèse organise régulièrement ces haltes spirituelles autour d’Annecy. Et celle-là se déroulera au château même avec le père Michel Tournade en personne, oblat de saint François et auteur d’une très belle biographie : Saint François de Sales – Aventurier et diplomate, chez Salvator. Conférence dans une des salles du château, visite de la chapelle de Sales et messe à l’église de Thorens. Nous y serons bien sûr. Marchez : toutes les portes s’ouvrent !

Voici le château, encore actuellement habité par la famille de Sales :

Le prochain article reviendra sur cette halte spirituelle. Pendant que les adultes écoutaient la conférence, Raphaël et Claire ont eu droit à une visite – rien que pour eux – de ce qui intrigue souvent les garçons : le cachot ! Un cachot chez saint François ?

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Publié par Anne-Marie MICHEL

Pigiste catholique, je m'efforce de témoigner de ma foi dans le Christ, chemin, vérité et vie. Ainsi, ce qui est vrai, bien et beau m'élève et ce trésor se partage. Notre temps est encore celui de la miséricorde, eleos en grec, alors proclamons-la à temps et à contre-temps !

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