Sur les traces de saint François de Sales – Jour 4

Du château de Thorens à la nécropole de Morette, par le plateau des Glières – 21 août 2023

Aujourd’hui, l’on va grimper, car ce qui se fit de grand et de beau pour la France se fit quelque part en haut. En famille, nous repartons ce matin vers le château de Thorens d’où je vais monter au célèbre plateau des Glières, berceau et fleuron de la Résistance. Tourne en boucle dans la voiture ce magnifique chant des Padre sur la marche de Robert Bruce :

J’ignore si « ceux des Glières » avaient l’esprit et l’âme johanniques dont parle le chant, mais ils vibraient selon ce même cœur français qui vient d’en haut.

Jacques Tremollet de Villers
Plage 39 du CD « Pèlerin de Charles »
Poèmes de Charles Péguy,
Ensemble Stella Matutina
Récitant Jean Piat

Cet ardent plaidoyer de l’avocat Jacques Tremollet de Villers ravive la flamme, cette flamme d’amour pour notre pays.

Je monte vers ceux qui ont dit « non » à la déshumanisation nazie et à la complicité lâche de la collaboration. Pour faire mémoire, certes, mais surtout pour m’en inspirer pour aujourd’hui. Dans son discours du 2 septembre 1973, lors de l’inauguration du monument de la Résistance sur le plateau des Glières, André Malraux dit :

André Malraux, source internet

Malraux ose bien le rapprochement entre le soldat des Glières et Jeanne d’Arc… Difficile de définir ce cœur de la France, impossible même. Pourtant les citations ci-dessus nous le font pénétrer un peu. Il y a quelque chose de nature spirituelle, une prédilection divine, une élection à une mission noble qui dépasse nos frontières. Cette grâce spéciale du Seigneur pour la France, plus ou moins consciente dans le cœur des Français eux-mêmes, oriente vers une recherche de vérité et fait entrer régulièrement en Résistance contre les idéologies mortifères. Et ce cœur de la France, parfois, ne bat que dans une poignée d’hommes et de femmes. Ici, aux Glières, 465 bonshommes mal armés ont résisté contre une division allemande et les miliciens, soit plusieurs milliers de militaires. La bataille fut perdue, mais l’âme des Glières a ravivé le cœur endormi de bien des Français. L’esprit de la Résistance gagna du terrain. Et la guerre fut gagnée. Le Cœur profond de la France…

Je quitte donc le château de saint François de Sales pour franchir quelques siècles.

Je longe le torrent de la Fillière et dépasse Usillon, où je suis descendue il y a cinq jours :

Le soleil brille de mille feux, la canicule frappe. La terre a de la fièvre : 38-39°C. Je plonge vite dans l’histoire : à la Louvatière, un panneau scellé au mur d’une maison rappelle l’engagement audacieux de ces civils français au service des maquisards :

Ma route se transforme en chemin, puis en sentier et finit en minuscule sente envahie par la végétation. Les vaches s’agglutinent à l’ombre, l’abreuvoir à portée de sabot. Nul besoin pour elles de subir les recommandations politico-médiatiques assénées à longueur de journée : ne pas sortir et boire. Les vaches n’ont pas perdu de bon sens paysan…

Un vague passage dégringole dans la Fillière que je traverse comme la Mer Rouge : à pied sec.

Un peu d’eau, une végétation dense, beaucoup d’ombre : les fonds de vallée résistent à la fournaise. À quelques mètres de là, au terminus de la route, nouvel arrêt sur l’Histoire :

En ce lieu la veille du 1er août 1944 des hommes de l’AS et FTP se regroupèrent pour assister au parachutage massif d’armes et munitions sur le Plateau des Glières. Parachutage qui permit à la Résistance de libérer le département par ses propres moyens et dont la devise était : « Vivre Libre ou Mourir »
Passant souviens toi !
AS : (armée secrète) FTP : (Franc Tireur Partisan)

Bifurcation : un sentier monte à la grotte de la Diau pour les amateurs de spéléologie et de cavités karstiques. C’est tentant, car la France est riche de son patrimoine géographique. Mais je choisis la route de l’histoire :

Plutôt bonne grimpeuse en montagne, je m’impatiente de n’être toujours pas arrivée, alors que je prévois une étape très longue aujourd’hui. Peut-être faudra-t-il revoir mes plans et mes ambitions.

J’apprécie pouvoir emprunter ces sentiers sans avoir le cœur qui se rompt au moindre bruit de feuille : les miliciens, ici, ne tirent plus. J’avance et je trouve… des framboises ! La pente s’amenuise, je quitte peu à peu la forêt et atteins les premières bâtisses du plateau. Cherchant les raccourcis, j’arrive enfin au monument.

C’est cet objet, sorti de la tête du sculpteur Gilioli, qui a été inauguré par Malraux le 2 septembre 1973. À défaut d’être esthétique, il a le mérite d’être symbolique. Un V de la victoire, tronqué par la souffrance et la mort, qui annonce cependant le soleil levant de l’espoir.

« Et maintenant, le grand oiseau blanc de Gilioli a planté ses serres ici. Avec son aile d’espoir, son aile amputée de combat, et entre elles, son soleil levant. »

abdré malraux

« Passant, va dire à la France que ceux qui sont tombés ici sont morts selon son cœur. »

andré malraux

Il y a donc bien un cœur ardent et noble à notre France qu’il nous faut retrouver, aimer et faire vibrer, puisque nombreux sont ceux qui ont accepté de mourir pour lui.

Je repars vers le sud pour descendre dans la vallée du Fier. Le chemin serpente dans la forêt et rejoint une petite chapelle : Notre Dame des Neiges. Détruite en 1944, elle fut reconstruite en 1949.

L’intérieur abrite une étonnante peinture figurant la fuite en Égypte de la sainte Famille dans le décor du plateau des Glières :

L’explication est humblement punaisée sur la porte en bois :

Vu l’heure, je comprends que je n’aurai pas le temps de relier l’ermitage saint Germain, surplombant le lac d’Annecy, d’ici ce soir. Car il me faudrait descendre à Morette et remonter 1300m de dénivelée jusqu’à la Pointe de Talamarche et redescendre vers Talloires. J’informe donc Julien que je m’arrêterai probablement à Morette.
– Comme vous voulez, me répond-il. Nous venons vous chercher à Morette. Mais si vous voulez en baver pour la France, n’hésitez pas à pousser jusqu’à Talloires.
Sacré mari !

Je quitte ce plateau chargé d’histoire…

… et plonge dans la forêt et dans la vallée du Fier. Sans le faire exprès, je frôle un abri sous roche et un panneau me donne une nouvelle leçon d’histoire et une furieuse envie de plonger dans le lac… qui n’existe plus !

Ici, il y a 10 000 ans, nos ancêtres de civilisation azilienne venaient à la chasse et à la pêche. J’ignorais même leur existence et ils m’en bouchent un coin. Toute la vallée de Thônes était sous l’eau.

Je ne fais pas 100m, nouveau panneau, je suis entraînée dans un tourbillon d’histoire en quelques mètres carrés :

Que fait donc ce panneau au milieu de cette forêt ? 1793, sinistre date de la Révolution… Mais on n’était pas en France, ici à cette date-là. C’était le Royaume de Piémont-Sardaigne, sous Victor-Amédée III de Sardaigne. Qui est Marguerite Frichelet-Avet ? Insurrection contre qui ? Contre quoi ?

Marguerite Frichelet-Avet est née le 2 janvier 1756 à Thônes. Elle est lettrée, préceptrice, institutrice. Elle est considérée comme la petite Jeanne d’Arc de Savoie. Fin septembre 1792, l’armée révolutionnaire française pénètre en Savoie et en fait un département français. Début 1793, une conscription est décrétée et un tirage au sort des « volontaires » est prévu pour l’enrôlement de force dans l’armée française. La révolte savoyarde gronde. De plus, les lois anti-religieuses ne sont pas acceptées dans cette vallée de Thônes très fidèle à la foi et à son souverain, Victor-Amédée III. Marguerite Frichelet-Avet va alors jouer un rôle capital dans l’organisation de l’insurrection contre les révolutionnaires français. Comme pour le plateau des Glières, ses moyens en hommes et en munitions ne suffiront pas à repousser les sanguinaires français. Elle mourra fusillée sur le Pâquier à Annecy, le 18 mai 1793 à 37 ans.
Ses dernières paroles sont :

« Je meurs fidèle à mon dieu et à mon roi. Vive la religion catholique ! Vive le roi de Sardaigne ! Tirez seulement ! »

Marguerite Frichelet-Avet

De telles paroles signent, à mes yeux, l’échec de ceux qui l’ont assassinée.

source internet

La France a fini par se relever de ses atrocités révolutionnaires, lentement, difficilement. Et je n’accepterai jamais que des ministres prétendent que la révolution française n’est pas terminée1.

Je poursuis ma route pour rejoindre le cimetière de Morette, à la Balme de Thuy, juste à côté de Thônes. C’est là que sont enterrés « ceux des Glières », ceux qui ont dit « Non ». Tom Morel, le chef de l’opération des Glières, est mort le 10 mars 1944. Il a d’abord été enterré sur le plateau puis a rejoint cette nécropole entouré de ses hommes.

L’histoire et le cœur de la France sont lavés par les héros.

Prochaine étape, plus sportive : de Morette, je relierai l’ermitage saint Germain à Talloires, via la Pointe de Talamarche. Nous retrouverons saint François de Sales à cet ermitage qu’il a tant aimé.

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Paroles du chant des Padre :

1 – Rappelle-toi Jeanne Domrémy, Chinon,
Orléans Reims, et Rouen où ton cœur fut pure hostie.
Fille de Dieu, Sainte Pucelle, viens au secours
De la France au nom de Jésus et Marie
France ô ma France, Il faut élever
Jusqu’aux Cieux, ta Patrie
Si tu veux retrouver la vie
Et que ton nom soit glorieux
Le Dieu vainqueur et clément
A résolu de te sauver

2 – Mais c’est par moi, qu’il veut te racheter
Viens à moi, je prie pour toi je t’appelle, reviens à moi.
Fille de Dieu, Sainte Pucelle, viens au secours
De la France au nom de Jésus et Marie.
France ô ma France,
Il faut élever Jusqu’aux Cieux,
Ta Patrie Si tu veux retrouver la vie
Et que ton nom soit glorieux
Le Dieu vainqueur et clément
A résolu de te sauver

  1. Monsieur Vincent Peillon affirme : « On ne peut pas construire un pays de liberté avec la religion catholique. » Mon sang bouillonne. Regardez des vidéos sur youtube quand il parle de son livre « la révolution française n’est pas terminée ». ↩︎

Publié par Anne-Marie MICHEL

Pigiste catholique, je m'efforce de témoigner de ma foi dans le Christ, chemin, vérité et vie. Ainsi, ce qui est vrai, bien et beau m'élève et ce trésor se partage. Notre temps est encore celui de la miséricorde, eleos en grec, alors proclamons-la à temps et à contre-temps ! Depuis août 2023, le blog relate principalement mes pèlerinages effectués en France pour son relèvement temporel et spirituel.

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