24 octobre 2023 – D’une abbaye à l’autre par une piste cyclable
La route sera courte et paisible. C’est le dernier jour : demain, nous quitterons le Cotentin. Bercée par mes découvertes de saints peu connus et pourtant rayonnants (sainte Marie-Madeleine Postel et le bienheureux Thomas Hélye, notamment), je veux poursuivre avec eux, encore pour quelques kilomètres, mon pèlerinage pour la paix.
Les saints ont semé la paix. Et cette paix a germé pour devenir de grands arbres dont nous bénéficions encore aujourd’hui des fruits. Un tableau présent dans l’abbatiale de Saint-Sauveur en témoigne :

Mère Marie-Madeleine est le chêne, elle en avait la force. Mère Placide est le tilleul, elle en avait la douceur. Sœur Marthe est le pommier, débordant de fruits savoureux. Puisse cette abbaye transmettre aux jeunes qui y sont scolarisés le même rayonnement que celui des fondatrices !






Je quitte l’abbaye et m’attarde quelque peu au château médiéval en ruine, toujours à Saint-Sauveur-le-Vicomte. Il remonte à la fin du Xème siècle et fut longtemps aux mains des anglais : l’un de ses Seigneurs, Geoffroy d’Harcourt, en conflit avec le roi de France, le donna en héritage à Édouard III d’Angleterre au XIVème siècle. Charles V le reconquit de haute lutte en 1375 et le rendit à la couronne de France. Les Anglais furent toujours le pire ennemi de la France pendant tant de siècles, on l’oublie aujourd’hui…



Ce petit village de Normandie a une histoire décidément riche : si des saintes y vécurent, ainsi que des grands talents, comme François Halley, notons aussi que l’écrivain Jules Barbey d’Aurevilly y est né. Riche France, cher pays de mon enfance…
Je remonte de l’autre côté de la Douve et quitte la route définitivement : une piste cyclable conduit tout droit à Bricquebec, sur une ancienne voix ferré, qui servit de 1884 à 1996.

Un parcours idéal pour méditer en paix. J’ai des progrès à faire pour grandir dans la paix intérieure. Or, tant de saints l’indiquent : le chemin de la paix est celui de l’abandon confiant dans les mains de la Providence. Tout s’apaise quand on cesse de s’arc-bouter en vue d’une perfection inatteignable. Le livre déjà évoqué de Jacques Philippe est remarquable pour qui veut enraciner en soi une plus grande paix.
« Trop de gens sont inquiets […] parce qu’ils ne sont pas contemplatifs, ils ne prennent pas le temps de nourrir leur propre cœur et de lui redonner la paix par un regard d’amour posé sur Jésus. » explique le père Jacques Philippe.1
Il poursuit en confiant sa propre expérience :
« Combien de fois ne m’est-il pas arrivé d’aller faire l’heure quotidienne d’adoration du Saint Sacrement dans un état de préoccupation ou de découragement et, sans que rien de particulier ne se soit passé, sans dire ni ressentir de choses spéciales, en ressortir le cœur apaisé. La situation extérieure était toujours la même, les problème toujours à résoudre, mais le cœur avait changé et il pouvait désormais les affronter paisiblement. L’Esprit Saint avait fait son travail secret. »2
Il est des personnes maniaques de la todolist ! Outil pourtant indispensable pour gérer les bambins, la maison, le mari (!), une PME, en somme. Sauf que cette todolist s’allonge à mesure que le perfectionnisme se perfectionne ! C’est sans fin et pour sortir de ce cauchemar, il n’y a pas trente-six solutions : laisser faire le Bon Dieu, s’abandonner à sa Providence, dans la confiance, le calme et la paix. La todolist est inchangée, le travail à faire s’accumule toujours, mais le regard et le cœur changent. Et étrangement, le travail abattu est d’autant plus considérable que nous nous sommes profondément abandonnés à Dieu. Faisons-en l’expérience !
Ma piste cyclable est ponctuée de ses anciennes maisons de garde-barrière, tenues jadis par des couples : la femme ouvrait la barrière le jour et le mari, la nuit.


Le paysage est calme et serein.





Saint François de Sales, excellent père spirituel, écrivit à Madeleine de Mouxy : « Ma fille, faites comme moi. Je suis sur le départ pour aller à Milan. J’ai tant d’affaires moi-même, et plus de cinquante lettres à répondre ! Si je voulais m’empresser parmi tout cela, je me perdrais, mais je ne veux ni m’empresser, ni me troubler. Cette nuit, je ferai autant de réponses que je pourrai ; demain, je ferai de même et continuerai jusqu’à ce que j’aie achevé… »3
Ainsi, je largue sur le bas-côté de ma route ce qui m’accapare et me libère peu à peu. La marche est un excellent lâcher-prise, elle remet les choses à leur place, dans l’ordre. Elle rappelle que l’important passe parfois avant l’urgent.



Je m’approche du village de Bricquebec.

Au-delà du bourg, non loin du ruisseau de l’Aizy, est blottie l’abbaye cistercienne, Notre Dame de Grâce. Beaucoup de non-croyants perçoivent dans les églises et les monastères quelque chose de la paix. Les hommes de notre époque devraient se ruer vers les monastères, ils y recevraient un immense cadeau de sérénité intérieure. Et la paix des nations commencent dans le cœur de chacun.



La douzaine de moines vit selon la règle de saint Benoît. Mais outre les bénédictins, d’autres branches sont nées de diverses réformes. Notamment celle des Saints Robert, Albéric et Étienne qui ont fondé les cisterciens, du nom de leur abbaye de Cîteaux en Côte-d’Or et dont saint Bernard fut un illustre représentant. Les moines de Bricquebec sont cisterciens et suivent donc bien la règle bénédictine. Ils sont contemplatifs et récitent l’office divin chaque jour, dont matines vers 4 heures du matin. Ils vivent de leur ferme et de leur magasin. Un lien tout particulier les unit au Japon depuis que l’Abbé Vital Lehodey y fonda en 1897 plusieurs prieurés de moines et moniales.
Et pour la paix des papilles, voici deux liens pour déguster les produits de leur abbaye :






Ma petite famille, dont le doudou chat, fidèle compagnon de Claire, me rejoint dans l’abbatiale pour prier, enfin… essayer de prier. Le plus sage est peut-être le fameux doudou chat… Ainsi s’achève cette deuxième édition de pèlerinage pour la France. Bien entendu, d’autres sont en préparation pour l’année 2024.

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