Le 20 mai 2024, un pèlerinage vers ND de Bonne Garde au bord de l’eau dans le sillage de siècles d’histoire.
Sulpice le Pieux rayonna de sa sainteté aux VIème et VIIème siècles. Il passa à Favières et le village devint un très grand lieu de pèlerinage, notamment aux XIIème-XIVème siècles. Aujourd’hui moins connu, l’église garde néanmoins ses dimensions de cathédrale dans un village d’environ 300 habitants !
De là, j’irai, ce 20 mai 2024, vers Notre-Dame-de-Bonne-Garde à Longpont, plus au Nord, un autre lieu de pèlerinage dont l’origine se perd aux confins de l’histoire et de la légende. Un itinéraire en suivant de près ou de loin de douces rivières de l’Essonne : la Renarde, la Vidange, l’Orge, la Rémarde, la Grande Boële, la Salmouille…

Sulpice naquit vers la fin du VIème siècle (576 environ) d’une famille noble berrichonne. Il devint prêtre en 618. Le roi Clotaire II fit de lui l’aumônier du palais. Il succéda à saint Austrégésile (dit saint Outrille) dans la charge d’archevêque de Bourges en 624 et mourut en 647. Il vécut dans la pauvreté et l’austérité et fut à l’origine de nombreux miracles et conversions. Plusieurs centaines de paroisses, notamment dans le Berry, sont placées sous sa protection et également l’église Saint-Sulpice de Paris. Le 31 décembre 1641, Jean-Jacques Ollier, alors curé de cette paroisse, fonda le séminaire Saint-Sulpice en application du décret du Concile de Trente qui voulait améliorer la formation des prêtres. Et Monsieur Ollier, fonda les Sulpiciens pour encadrer ce séminaire. Leur rayonnement sera d’envergure internationale.
On raconte qu’un jour Sulpice se rendait de Bourges à Paris et s’arrêta à Favières. On lui amena un enfant qui venait de mourir noyé dans une rivière voisine et le saint le ressuscita. Telle est l’origine du pèlerinage à Saint-Sulpice-de-Favières.

On connaît mal les débuts de la dévotion, ni la structure des premiers édifices. Mais l’avant-dernière église, appelée chapelle des miracles, date de 1175 et possédait 5 travées. L’église actuelle, construite à côté de la précédente, date du milieu du XIIIème siècle. Ses dimensions monumentales sont dues au succès colossal du pèlerinage aux XII-XIVèmes siècles et probablement à l’aide financière de saint Louis lui-même. À partir du XVIIème siècle et jusqu’au XIXème, des écrits attestent la présence d’ex-voto sur les murs de la chapelle des miracles dans laquelle on entre par le collatéral nord. L’église a subi de nombreuses menaces de destruction, notamment lors de la révolution. Le pèlerinage est tombé en désuétude au XIXème, faute d’entretien de l’édifice. La ruine définitive menaçait, mais l’église fut classée monument historique en 1840 et finalement patiemment restaurée. Aujourd’hui, une association s’occupe de son entretien : l’ARESULP.


J’ai interviewé Laure Le Floc’h, guide bénévole de l’église. Avec elle, nous allons découvrir les principaux éléments architecturaux.
En premier lieu, le tympan sur la façade ouest :


Ensuite, voici le détail des anges et le trumeau :






Entrons dans cette église du gothique rayonnant, il y règne une grande clarté. Laure Le Floc’h souligne : « Les architectes ont très bien su faire entrer la lumière divine dans cette église. » Un premier vitrail remarquable se trouve à l’autel de la Sainte Vierge :


Ce vitrail datant de l’époque de saint Louis a été restauré en même temps que ceux de la Sainte-Chapelle. Il raconte la naissance de la Vierge et celle de Jésus. Celui du chœur rappelle la passion du Seigneur et la mort de saint Sulpice :



Ce vitrail date également du XIIIème siècle, ainsi que celui – tout aussi exceptionnel – de la chapelle « des grisailles » qui désigne ces vitraux non historiés aux motifs géométriques gris :


Entrons maintenant dans la chapelle des miracles :


En bas de l’escalier à gauche se trouve un puits, découvert lors de fouilles en 1936. Comme à Longpont ou à Chartres, il semble que la présence d’une source dans les édifices montre qu’il y eut d’abord un culte celtique ultérieurement christianisé.



Sur la droite de la chapelle des miracles se trouve le reliquaire de saint Sulpice :

Le retable du Saint Sacrement, présent actuellement dans la chapelle des miracles, se trouvait primitivement dans la grande église, mais dans un piteux état. Il fut entièrement restauré, redoré à l’or fin :

L’artiste Robert Lanz, habitant de Saint-Sulpice, a peint vers 1937 un panneau retraçant toute la vie du saint :

Les travaux imposants sur l’édifice ont également révélé les traces des peintures primitives du bâtiment : les églises gothiques étaient peintes et très colorées à l’origine. Ici, il a été mis en valeur la polychromie au niveau des croisées d’ogives de la chapelle :



Trois passages champenois intérieurs et un extérieur, réservés dans l’épaisseur des contreforts, permettent l’entretien des vitraux et de la pierre :

Le retable de saint Sulpice, en bois polychrome du XVIIème siècle, retrace un événement de la vie du saint : le roi Clotaire II, roi de Neustrie puis des Francs était mourant (peut-être empoisonné). La reine, connaissant les bienfaits de Sulpice, le fit venir. Il jeûna et pria pendant 7 jours et 7 nuits et ainsi Clotaire II revint à la vie :

Enfin – et pour finir sur ces quelques éléments architecturaux et historiques de cet église hors norme – un petit détail des stalles de bois laisse le pèlerin et le touriste avec un sourire en coin : un petit moine est sculpté, somnolant nonchalamment pendant l’office divin… L’endormissement et le ramollissement dans l’église ne datent donc pas d’aujourd’hui…


Un immense merci à Laure Le Floc’h pour sa visite privée qu’elle m’a accordée !
L’appel de la route se fait pressant et je démarre ma petite marche vers Notre-Dame-de-Longpont.


Le bois de Baville surplombe la Renarde et, par le GR 655 Est, je gagne Boissy-sous-Saint-Yon. Ce GR 655 Est est une branche orientale du chemin de Saint-Jacques passant par Tours : c’est la via Turonensis. Allant vers le Nord, je l’emprunte à l’envers, via les rochers de Charville :

Le sentier m’emmène ensuite, via Boissy-sous-Saint-Yon et la vallée de la Vidange, à traverser l’Orge à Arpajon.




Arpajon abrite une église Saint-Clément. Si une première église était déjà là au Xème siècle, elle fut ruinée, mais les bénédictins de l’abbaye de Saint-Maur la rebâtirent, y ajoutant un cloître et un prieuré. En 1360, pendant la Guerre de Cent Ans, les habitants de la ville assiégée s’y réfugièrent. Mais Édouard III d’Angleterre y mit le feu. 800 personnes périrent. Pourquoi tant de souffrances sur cette terre depuis si longtemps ? Où est la bonté de Dieu qui permet tant d’horreurs ? Je repars en titubant, tout en m’accrochant à la foi des saints qui s’abandonnent à la volonté de Notre Père dans la confiance.
Désormais, je longe l’Orge que rattrapent la Grande Boëlle et la Salmouille dans un paysage calme :








Il me reste à traverser la Francilienne, juste au sud de Longpont-sur-Orge et de remonter plein nord en contre-bas du château de Lormoy :




Enfin, surgit derrière les frondaisons la basilique massive : Notre-Dame-de-Bonne-Garde :


Ci-dessous, vous trouverez l’historique de la basilique empruntée intégralement à cette page internet :
« Des origines où se mêle la légende

« On raconte qu’un jour, il y a très longtemps, des bûcherons gaulois auraient découvert, dans un chêne creux de la butte de Longpont, une statue de bois représentant une femme avec un enfant dans les bras. L’effigie était accompagnée d’une inscription latine bien mystérieuse pour les païens : « Virgini pariturae » « À la Vierge qui va enfanter ». Les druides auraient commencé à vénérer cette image de la déesse mère. Plus tard saint Denis, et son compagnon saint Yon, seraient passés par Longpont.
« Ils expliquèrent aux druides comment la prophétie sur la Vierge s’était enfin réalisée. Celle que les Gaulois du bord de l’Orge vénéraient sans la connaître était bien la Vierge Marie, mère du Sauveur. Saint Yon serait resté sur place, il portera l’Évangile dans la région. Il aurait été décapité vers 290. Avant de partir pour Paris, saint Denis aurait laissé à Longpont une précieuse relique : un morceau du voile de la Sainte Vierge. Une statue et une relique seraient donc à l’origine du sanctuaire de Notre-Dame-de-Longpont.
« La dame et le forgeron

« En l’an 1031, Hodierne de Gometz, épouse de Guy Ier seigneur de Montlhéry, fait édifier une nouvelle église sur le site du premier sanctuaire druidique christianisé. Une autre légende est attachée à la construction de la première église de Longpont. Hodierne, très pieuse et très humble, aurait participé personnellement aux travaux. Elle porte elle-même de l’eau au chantier afin d’aider les maçons.
« Pour faciliter sa tâche, elle demande au forgeron local de lui fournir une barre de fer qui l’aiderait à mieux porter les seaux.
« Le stupide forgeron, influencé par sa méchante femme, lui donne, par dérision, une barre rougie au feu. Hodierne est épargnée de toute brûlure. Le fer miraculeux sera monté au sommet d’une colonne d’un temple païen. La « Croix Rouge fer » est aujourd’hui conservée au fond de la basilique. Les trois protagonistes, Hodierne, le forgeron et la mégère ont été représentés, sculptés dans la pierre, sur des culots à la retombée des voûtes de la 2ème travée de la nef.
« Le temps des moines

« Au-delà de la légende, des documents précis nous apprennent qu’en 1061 Hodierne obtient de l’abbé Hugues de Cluny l’envoi de 22 moines. Ils seront les premiers clunisiens de la région parisienne. Le prieuré Sainte-Marie-de-Longpont sera richement doté par les rois et les seigneurs locaux. Le grand prieuré bâti à partir du XIème siècle sera également une étape importante pour les pèlerins de Compostelle.
« Le prieuré sera vendu comme bien national en 1791 et les bâtiments seront progressivement démolis. Il ne reste aujourd’hui de cet établissement monacal que l’église priorale (l’actuelle basilique) et l’immense grange aux dîmes toujours visible au sud de l’édifice. »
Une des grandes particularités de Longpont est son très imposant reliquaire. Derrière ces vitrines, se trouvent des dizaines de reliques de saints de toute époque et de tous charisme.






Comme à l’accoutumée, ma petite famille rejoint la maman pèlerine pour une prière (difficilement sage et recueillie) pour la France avec nos trois lionceaux vigoureux :

Mais il faut croire que la grâce passe malgré leur agitation : Claire me reparle régulièrement de « la Vierge Marie qui était cachée dans le creux d’un arbre »…

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