Chapelle en grève…

Regard inattendu d’un écrivain sur cette chapelle roulante…

La France, une nouvelle fois, s’illustre par sa capacité à râler, à s’agripper avec une violente avarice à ce qui, pourtant, fait d’elle une terre de privilégiés, enviés des peuples du monde entier. À ce train-là, les privilèges connaîtront peut-être à nouveau leur abolition. En attendant, les trains et les métropolitains sont à l’arrêt. Les parisiens, franciliens et voyageurs, les travailleurs, les mères de famille, les femmes enceintes, les élèves, les clients, les fournisseurs, les commerçants sont condamnés à subir le ralentissement économique, les rendez-vous (médicaux parfois) manqués, sans parler des casses.

Conséquence inattendue : le métro étant arrêté, plus personne n’y prie ! Car, on l’oublie bien souvent, au-delà de la promiscuité des heures de pointe et des têtes parfois bizarres, le métro est une petite chapelle.

Stéphane Brosseau, historien et poète, amoureux des pierres des cathédrales, a publié en 2012 un recueil de poèmes « Les mains ouvertes » (TheBookEdition, collection arabesque). « Ma chapelle quotidienne » désigne ce métro emprunté tous les jours (du moins ceux que les grèvistes nous octroient pour travailler librement).

« Les wagon matinal me conduit, nonchalant,
Dans la nuit de l’hiver, bientôt lit de l’aurore,
Intégré au troupeau résigné des silhouettes
Qui se meuvent au signal de la simple habitude,
Des stations défilant, égrainés devant elles,
[…]
Ou au rythme de son de la voix numérique,
Dont pourrait se passer l’habitué que je suis.

Une grâce pourtant m’envahit, impuissant,
En voyant tout devant, plus qu’une ombre, une gêne :
Un homme, une femme, sont bientôt aperçus,
[…]

Ils ont donc bien une âme, une vie, un passé,
Des failles, des richesses et même un cœur qui bat,
Ils pensent, ils agissent, ils espèrent et ils aiment,
Leur trésor est peut-être aussi beau que le mien ;
Leur main droite portant un livre patiné,
Ils semblent parler ou peut-être prient-ils ?
[…]

Le Seigneur me fait signe et m’envoie son Esprit,
Ces gens-là sont mes frères, ils me portent un message :
Ils sont à l’image du Père de Tendresse,
Créatures admirables et aimables de Dieu,
Celles qui sont pour moi des anges messagers,
Pour me dire de prier en ce lieu bien sordide,
Transformant un taudis en chapelle vivante,
Illuminant ma vie, embellissant la Terre. »

Puisse cette prière rapidement reprendre sa liturgie matinale ou vespérale, dans cette chapelle roulante, puante, bruyante, mais orante !

Publié par Anne-Marie MICHEL

Pigiste catholique, je m'efforce de témoigner de ma foi dans le Christ, chemin, vérité et vie. Ainsi, ce qui est vrai, bien et beau m'élève et ce trésor se partage. Notre temps est encore celui de la miséricorde, eleos en grec, alors proclamons-la à temps et à contre-temps !

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