
Si cette photo, dont j’ignore la source, a tourné dans un de mes groupes WhatsApp aujourd’hui, en ce premier avril, certains poissons se voient masqués aussi. On se croirait au pays de la grande censure. Nous sommes bâillonnés ! À moins que le rire ne soit une thérapie solide en temps de crise. Même le très sérieux Institut de Géographie National, l’IGN, a tweeté une carte truquée mentionnant soi-disant côte à côte deux localités, l’une nommée Poisson, l’autre D’Avril. Cela m’a immédiatement fait penser au livre étonnant d’Olivier Lemire : L’esprit du chemin – Voyage aux sources du Bonheur, chez Transboréal. Déconfinement, le temps d’une lecture au pays des localités savoureuses.

Si l’IGN a plaisanté en truquant une carte TOP 25 au point de juxtaposer des lieu-dits « Poisson » et « D’Avril », un baroudeur atypique a poussé le bouchon au point de tracer un itinéraire franco-français reliant des endroits évocateurs. Olivier Lemire, illustrant un certain retour de l’aventure en France, marche sur les traces de la toponymie : Plaisir, La Vie, La Foi, La Sagesse…, Le Malheur, Maintenant, La Beauté, L’Inquiétude, Malaise… Il interroge les habitants de ces contrées parfois reculées sur la notion que leur patelin évoque. Certes, il n’en ressort pas un essai philosophique approfondi et le lecteur assoiffé de réflexion intellectuelle restera sur sa faim. L’on sera cependant rassuré de constater que l’auteur part de Plaisir et marche vers le Bonheur, une rivière des Cévennes. En cela, il y a une progression, car beaucoup de nos contemporains se fourvoient en sens inverse. Cependant, son Bonheur de rivière connaît le sort de certains cours d’eau : une perte, c’est-à-dire une disparition souterraine. L’auteur conclut son ouvrage ainsi : « Le Bonheur apparut au milieu des sapins, brillant sous le soleil revenu, et courant à sa perte. »
Le bonheur serait-il un rêve idiot, un perpétuel supplice de Tantale, une cible jamais atteinte comme celle de la flèche de Zénon ? Certes, le bonheur éternel et plénier n’est qu’en Dieu et dans la vision béatifique et nous ne pouvons le deviner que par l’Espérance, cette grande vertu théologale. Mais tant que nous traînons nos godillots sur la glaise de notre terre, il faudra se contenter d’un bonheur tantôt réel et profond, tantôt masqué, comme les poissons d’avril et les lapins de Pâques 2020. De là à conclure nos journées confinées en croyant que le bonheur court à sa perte, il n’y a qu’un pas. Mais un pas ne fait nullement la route. Allons plus loin que la perte du Bonheur relatée par Olivier Lemire. Car les rivières souterraines ont leur résurgence ! Et la plus belle des résurgences, c’est la Résurrection !
Sursum corda !