Faut-il croire nos ressentis ?

Ce que nous interprétons de divers événements de nos vies, ce que nous ressentons après telle ou telle expérience, ou dans notre vie spirituelle, est-il tant que cela incontestable ? Nos émotions sont-elles toujours vecteurs de vérité ? Petite analyse non exhaustive.

« Il peut arriver, dans la vie spirituelle, que la souffrance pousse à la révolte contre Dieu. Ce sentiment profond que Dieu n’est qu’un horrible bourreau, qu’Il prend plaisir à laisser sa créature dans le désarroi, qu’Il est même l’auteur sadique de grandes détresses, peut s’avérer tenace et destructeur. Mais il demeure parfaitement réel en tant que sentiment. Ce sentiment, cette impression, emportent parfois aux confins du désespoir. Pourtant, dans l’ordre de la foi, l’on se rappelle bien que Dieu ne ressemble en rien à ce que nous en ressentons. Le Dieu des Chrétiens est un Dieu d’Amour, de miséricorde, de bonté, de mansuétude, un Dieu de tendresse. Alors que croire ? Le donné de la foi ou l’évidence du ressenti ? Le ressenti est tellement palpable, véridique, incontestable. Mais la foi est tout autant incontestable. L’on comprend dès lors qu’un ressenti peut être parfaitement réel, en tant que sentiment, mais parfaitement faux dans son message. Dieu n’est pas odieux. Le ressenti peut être porteur d’une erreur. N’y a-t-il pas alors urgence à bien hiérarchiser en nous les sources d’informations avec lesquelles nous lisons le monde, Dieu, les autres ou soi-même ? La foi est manifestement moins trompeuse que nos ressentis. La foi est objective parce qu’elle nous est donnée d’ailleurs, elle ne nous appartient pas, on la reçoit. Nos sentiments, eux, peuvent nous tromper, subjectifs qu’ils sont.

Ce que je dis de la foi s’applique aussi à la raison. Il y a un risque à abandonner la raison à la passion, à nos sentiments, à nos affects. Nos passions, nos sentiments sont bons, excellents même, en soi, mais ils n’ont pas vocation à diriger notre être, tâche qui revient à la raison, et à la foi pour ceux qui l’ont. C’est une question de liberté. Nos passions, nos sentiments, nos ressentis, nos émotions peuvent nourrir notre cœur pour mieux aimer, mais nos jugements et nos décisions ne peuvent absolument pas être pris sous leur seule influence. » (Anne-Marie MICHEL, Aventurière pour la vie (1), Téqui, 2016, p.84)

Notre être et nos vies peuvent se comparer à un navire gouverné par le commandant qui dirige les opérations depuis son poste de commandement. Les moussaillons, eux, doivent exécuter leurs tâches respectives chacun à sa place. Ils n’ont guère de vision d’ensemble de la navigation. Ils représentent nos émotions. Il en faut, ils sont nécessaires, même, à la bonne marche du navire. Ils apportent une richesse évidente. Mais ils n’ont aucune vocation à prendre la tête des opérations, bien qu’ils le cherchent trop souvent. Le commandant doit être très rigoureux et ferme : lui seul est maître à bord et ses décisions, pour être bonnes et efficaces, doivent être libres et les émotions doivent rester à leur place. Ne laissons pas les sentiments, ressentis et autres passions avoir la moindre velléité de gouvernance de notre vie. Sans quoi, le navire de notre vie va connaître de sérieux déboires à la première tempête et la prochaine vague scélérate aura raison de notre navigation. L’on voit trop d’âmes couler, faute de bonne gouvernance, c’est-à-dire de bon discernement, car les émotions ont fait le coup d’état. Trop de personnes transgressent les enseignements moraux de l’Église, parce que leur volonté propre mue par des sentiments réels mais trompeurs les ont fourvoyées.

Que l’Esprit Saint nous redonne la force de caractère nécessaire pour faire face à la dictature de nos petits sentiments, fussent-ils puissants et coriaces. Demandons-Lui la grâce du discernement libre. Et c’est la vérité qui nous rend libres (Jn 8, 32) !

(1) Il s’agit de mon propre livre paru chez Téqui :
http://www.librairietequi.com/A-61005-aventuriere-pour-la-vie.aspx
https://fr.aleteia.org/2016/11/12/5000-kilometres-pour-les-enfants-a-naitre/
interview sur Radio Notre Dame :
https://www.youtube.com/watch?v=Y7QTtf_KHZ4

Publié par Anne-Marie MICHEL

Pigiste catholique, je m'efforce de témoigner de ma foi dans le Christ, chemin, vérité et vie. Ainsi, ce qui est vrai, bien et beau m'élève et ce trésor se partage. Notre temps est encore celui de la miséricorde, eleos en grec, alors proclamons-la à temps et à contre-temps !

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